Le 16 avril 2024, la Food and Drug Administration (FDA), soit l’agence de régulation américaine, en a surpris plus d’un en publiant un nouvel avis sur la vape et ses risques… d’apparence plutôt positif. Pour la première fois, elle reconnait, à demi-mots néanmoins, les risques relatifs entourant la cigarette électronique en comparaison à la cigarette à combustion. Alors, faut-il y voir le témoignage d’une volonté de changer de cap ou s’agirait-il d’un simple écran de fumée ?
Ce qu’il faut retenir de la nouvelle publication de la FDA sur la vape et la réduction des risques :
- Le 16 avril 2024, la Food and Drug Administration (FDA), l’agence de régulation américaine, a publié une nouvelle page sur son site : “Les risques relatifs des produits du tabac” (1)
- Pour la première fois, elle reconnait l’importance de distinguer cigarettes fumées et produits sans combustion dans ce qu’elle appelle le “continuum de risques”
- Elle définit ainsi le vapotage comme pouvant généralement constituer une alternative à moindre risque au tabagisme
- Sous couvert d’éducation de la population en matière de réduction des risques, la FDA continue de jouer sur plusieurs tableaux, brouillant certaines frontières et usant toujours de désinformation
- Bien loin des considérations sanitaires qu’elle énonce, la FDA semble seulement tenter de justifier sa décision de ne conserver que 23 produits du vapotage sur le marché, se déresponsabilisant ainsi de la hausse du marché noir et niant toute partialité dans ses choix (ce que lui reproche justement la justice américaine)
La FDA et la vape : remise en contexte
Aux États-Unis, chaque produit du vapotage est soumis au contrôle et à l’approbation de la Food and Drug Administration, ou FDA, l’agence de régulation sanitaire américaine.
Or, depuis qu’elle a la main mise sur le marché, cette dernière enchaîne refus sur refus, estimant que les demandes de commercialisation que lui adressent les fabricants ne présentent pas suffisamment de preuves quant à la réduction des risques permise par ces produits, et les bénéfices qu’ils pourraient fournir aux fumeurs adultes. La FDA ne cache pas non plus sa désapprobation envers les arômes, refusant d’emblée tout produit du vapotage présentant un goût autre que tabac dans sa composition.
Aussi, actuellement, sur les centaines de milliers de produits du vapotage concernés, moins d’une trentaine sont officiellement autorisés par la FDA. Résultat : les produits non agréés ou en attente d’approbation continuent tout de même d’affluer sur le sol américain, le marché noir s’amplifie d’heure en heure et la FDA cumule les procès.
Dans ce contexte plus que chaotique pour le marché de la vape et les fumeurs en sevrage, même les Cours de justice américaines se rangent du côté des fabricants, jugeant l’agence “capricieuse” et “arbitraire”. Le problème est tel qu’une enquête a même été lancée au niveau gouvernemental par le comité de surveillance et de responsabilité, ou Committee on Oversight and Accountability, pour s’assurer que l’agence est en mesure “de remplir ses fonctions de base et de garantir que les Américains ont accès à des produits susceptibles de réduire le taux de maladies et de décès liés au tabagisme”.
Critiquée de toute part, la FDA n’est donc pas sans l’ignorer : elle doit vite trouver une pirouette pour se défendre contre ses accusations de partialité, elle qui se veut la garante de la santé publique. Et il semble que ce soit précisément ce qu’elle ait voulu faire ce 16 avril 2024, au travers de sa nouvelle page internet : “Les risques relatifs des produits du tabac”…
La FDA : un avis moins clivé sur la vape et ses risques ?
Par le biais de sa branche spécialisée dans la régulation des produits du tabac, le Centre des produits du tabac ou Center for Tobacco Products (CTP), la FDA a inauguré une nouvelle page internet sur son site web, entièrement dédiée à la question de la réduction des risques des produits sans combustion.
Dès l’introduction, on peut lire :
« Le Centre des produits du tabac (CTP) de la FDA s’engage à protéger la santé de tous les habitants des États-Unis grâce à une approche globale visant à réduire le fardeau du tabagisme […] Le CTP s’efforce d’éduquer les adultes qui fument sur les risques relatifs des produits du tabac »
– FDA, 16 avril 2024, “Les risques relatifs des produits du tabac”, 2ème et 3ème paragraphe
Dans cette optique, l’agence indique ainsi, pour la première fois :
« Les produits du tabac brûlés ou fumés, comme les cigarettes, constituent le type de produit du tabac le plus nocif. Les produits non brûlés – tels que les cigarettes électroniques et autres produits du tabac sans fumée – présentent généralement moins de risques pour la santé que les cigarettes et autres produits du tabac combustibles »
– FDA, 16 avril 2024, “Les risques relatifs des produits du tabac”, 4ème paragraphe
Aussi, toujours d’après elle, une demande de commercialisation d’un produit du tabac en tant que produit du tabac à risque modifié (MRTP) aboutit si le fabricant arrive à « démontrer que le produit réduira considérablement les méfaits et le risque de maladies liées au tabagisme pour les consommateurs et bénéficiera à la santé de la population dans son ensemble ». C’est pourquoi, après un « examen scientifique minutieux », précise-t-elle, elle a choisi de n’en autoriser que 23.
Le point de vue de Clive Bates
Pour ce conseiller en politiques d’intérêt public, qui a entrepris d’analyser en détail l’avis de la FDA dans un article du 25 avril 2024, publié sur son blog The Counterfactual (2), l’agence de régulation sanitaire occulte délibérément certaines informations capitales, laissant un certain doute planer :
« L’expression “présentent généralement moins de risques pour la santé” caractérise mal les très grandes différences de risque entre les produits combustibles et non combustibles »
– Clive Bates, 25 avril 2024, The Counterfactual
En jouant littéralement sur les mots, la FDA chercherait ainsi à justifier ses décisions en matière de régulation du marché. Or, comme le rappelle Clive Bates :
« Les risques relatifs sont déterminés par la physique, la chimie et la biologie, et non par une affirmation bureaucratique. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles des produits beaucoup plus sûrs que les cigarettes n’ont pas été approuvés par la FDA – dont la principale : la FDA a érigé des barrières insurmontables, opaques et mouvantes, qui épuisent les ressources de toutes les compagnie, à l’exception des plus grandes »
– Clive Bates, 25 avril 2024, The Counterfactual
Derrière l'écran de fumée
En s’attardant sur la construction de l’article et le choix des mots, on voit bien que cette nouvelle publication de la FDA est loin d’être à visée informative. Si elle reconnait à moitié l’apport de la cigarette électronique dans la lutte contre le tabagisme, elle continue de participer à la propagation de fausses idées, comme d’utiliser de faux débats pour tenter de rassurer la population sur son éthique :
« Le concept de risque relatif est complexe et il est important de veiller à ce que les efforts visant à éduquer les adultes qui fument sur ce sujet soient fondés sur des données probantes et susceptibles d’atteindre les résultats souhaités, tout en minimisant l’impact des publics non visés, notamment les jeunes »
– FDA, 16 avril 2024, “Les risques relatifs des produits du tabac”, derniers paragraphes
En plus de s’appuyer sur l’argument bancal du manque de recul scientifique – lequel est désormais de plus en plus difficile à soutenir au vu des 15 ans de données probantes déjà existantes – la FDA n’hésite pas à surfer sur la fameuse polémique du vapotage chez les jeunes, semant de nouveau le doute sur les intentions de l’industrie du vapotage.
« Beaucoup de choses dans la vie sont complexes. Le rôle des agences expertes est de distiller et de communiquer des informations importantes et exploitables issues de la complexité, tout en restant véridiques, éthiques et respectueuses des citoyens et de leur autonomie.
– Clive Bates, 25 avril 2024, The Counterfactual
Dans cette formulation, il est suggéré que différentes informations sur les risques soient présentées à différents publics – jeunes et adultes. Cela ressemble à un code destiné à induire les jeunes en erreur sur les risques comparatifs du tabagisme et du vapotage et à veiller à ce que les besoins des adultes n’empêchent pas d’effrayer les jeunes avec des mensonges »
Des intérêts personnels, loin d’un objectif de protection et de bien-être collectif
Ainsi, si l’objectif premier de la FDA est véritablement de communiquer la bonne information au grand public afin de l’accompagner en toute clarté dans le choix d’une alternative plus sûre, qu’elle lui permette d’avoir un réel état des lieux des connaissances sur la vape. Méthode, rappelons-le, jugée 95 % au moins moins nocive que la cigarette fumée (sans “généralement” ni “pourrait”), plus efficace que la plupart des substituts nicotiniques (3) et sans lien avec un quelconque effet passerelle vers le tabagisme, bien au contraire (4).
Il semble plutôt qu’ici, la FDA ait rendu un avis plus “positif” sur la vape et ses risques afin de tenter d’apaiser les accusations qui planent sur elle.
Pour reprendre la citation de George Orwell, employée très justement par Clive Bates dans son article : « Le grand ennemi du langage clair est le manque de sincérité. Lorsqu’il y a un écart entre ses objectifs réels et ses objectifs déclarés, on se tourne, pour ainsi dire, instinctivement vers de longs mots et des expressions idiomatiques épuisées, telle une seiche qui jette de l’encre »…
Sources
- (1) Accéder à la page “Les risques relatifs des produits du tabac”, ou “The Relative Risks of Tobacco Products”, publiée par la FDA le 16 avril 2024 (langue anglaise).
- (2) Consulter l’avis de Clives Bates, conseiller en politiques d’intérêt public et auteur du blog The Counterfactual – article daté du 25 avril 2024 (langue anglaise).
- (3) Pour plus d’informations à ce sujet : l’étude Cochrane 2023 sur jesuisvapoteur.org
- (4) Pour plus d’informations à ce sujet : les différentes études menées 1. en France ; 2. aux États-Unis, 3. au Royaume-Uni, ou encore 4. à l’international sur jesuisvapoteur.org.